DROIT PENAL SPECIAL
Fait le : 01-04-2017
Cours complète de :
DroIT PENAL SPECIAL
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Plan de cours
Introduction Générale
Première Partie : Les Infractions Contre Les Biens
TITRE
I : Les Infractions Fondamentales
CHAPITRE I : Le Vol
Sous chapitre I : L’infraction de vol à
proprement parler
Section I : Les éléments constitutifs du vol
§1. L’élément matériel du vol
A-La chose appartenant à autrui
B- L’acte de soustraction
§2. L’élément moral
Section II : La répression du vol
§1. Les obstacles à la répression
§2. Les sanctions du vol
A- Les peines principales
1) Le
vol simple
2) Les
vols aggravés
B- Les peines complémentaires
Sous-chapitre II : Les infractions
« voisines » du vol
Section I : L’extorsion
§1. Les éléments constitutifs de l’extorsion
A-
L’élément
matériel
B-
L’élément
moral
§2. La répression de l’extorsion
Section II : Le chantage
§1. Les éléments constitutifs du chantage
A-
L’élément
matériel
B-
L’élément
moral
§2. La répression du délit de chantage
CHAPITRE II : l’escroquerie
Sous chapitre I : L’infraction d’escroquerie à
proprement parler
Section I : Les éléments constitutifs de l’escroquerie
§1. L’élément matériel de l’escroquerie
A-
L’acte
de l’escroquerie
B-
Le
résultat de l’escroquerie
§2. L’élément moral de l’escroquerie
Section II : La répression de l’escroquerie
§1. Les obstacles à la répression
§2. Les sanctions de l’escroquerie
A-
Les
peines principales
1) L’escroquerie
simple
2) L’escroquerie
commise avec des circonstances aggravantes
B- Les peines complémentaires
Sous-Chapitre II : Les infractions
« voisines » de l’escroquerie
Section I : L’analyse des infractions de l’article 542 du CP
Section II : La répression des infractions de l’article 542
du CP
§1. Les peines principales
§2. Les peines complémentaires
CHAPITRE III : l’abus de confiance
Sous chapitre I : L’infraction d’abus de
confiance à proprement parler
Section I : Les éléments constitutifs de l’abus de confiance
§1. L’élément matériel
A-
La
remise d’un bien
B- Le détournement du bien
§2. L’élément moral
Section II : La répression de l’abus de confiance
§1. Les obstacles à la répression
§2. Les sanctions de l’abus de confiance
A-
Les
peines principales
1) L’abus
de confiance simple
2) L’abus
de confiance commis avec des circonstances aggravantes
B- Les peines complémentaires
Sous-chapitre II : Les infractions
« voisines » de l’abus de confiance
Section I : L’abus réalisé en inexécution d’un contrat :
infraction de l’article 551 du CP
Section II : L’abus réalisé au préjudice d’un mineur :
infraction de l’article 552 du CP
Section III : L’abus de blanc-seing : infraction de
l’article 553 du CP
Section IV : Le détournement ou la soustraction des documents
dans une procédure : infraction de l’article 554 du CP
TITRE
II : le recel : infraction de conséquence
CHAPITRE I : les éléments constitutifs du recel
Section I : L’élément matériel du recel
§1.La chose
recelée
§2. L’acte de
recel
Section II : L’élément moral du recel
CHAPITRE II : La Répression Du Recel
Section I : Les obstacles à la répression
Section II : Les sanctions du recel
§1. Les peines
principales
§2. Les peines complémentaires
Deuxième Partie : les infractions contre les
personnes
TITRE
I : Les Atteintes Réelles Au Corps Humain
Chapitre I : Les atteintes volontaires
Section I : Les atteintes à la vie de la personne
§1. L’infraction de meurtre
A-
Les
éléments constitutifs de l’infraction
1)
L’élément
matériel
2)
L’élément
intentionnel
B) La répression de l’infraction de meurtre
§2 L’infraction d’empoisonnement
A-
Les
éléments constitutifs de l’infraction
1)
L’élément
matériel
2)
L’élément
moral
B-
La
répression de l’empoisonnement
Section II : Les atteintes à l’intégrité de la
personne : les violences
§1. Les éléments constitutifs des violences
A-
L’élément
matériel
B-
L’élément
moral
§2. La répression des violences
CHAPITRE II : LES ATTEINTES INVOLONTAIRES
Section I : Les éléments constitutifs des atteintes
involontaires
§1. Les
comportements fautifs
§2. Le résultat
Section II : La répression des atteintes involontaires
§1 Les peines
ordinaires
§2. Les peines
aggravées
TITRE
II : LES ATTEINTES EVENTUELLES AU CORPS HUMAIN
CHAPITRE I : la mise en danger commise par un
acte positif : les menaces
Section I : Les éléments constitutifs des menaces
Section II : La répression
§1. Les peines
principales
§2. Les peines
complémentaires
CHAPITRE II : la mise en danger commise avec
voie d’abstention
Section I : Le délit de non-obstacle à la commission d’une
infraction
§1. Les
éléments constitutifs du délit
§2. La
répression du délit
Section II : le délit de non-assistance à une personne en
péril
§1. Les
éléments constitutifs du délit
§2. La
répression du délit
BIBLIOGRAPHIE
- Code pénal (impératif)
-Manuels
complémentaires du cours (Travaillez impérativement et régulièrement avec un
ouvrage de cette liste pour vérifier vos notes et les compléter)
-AMBROISE-CASTEROT
(C.), Droit pénal spécial et des affaires,
Gualino-lextenso éd., 2010
-ANDRE (Ch.), Droit pénal spécial, Cours Dalloz, 2010
-JACOPIN (S.), Droit pénal spécial, Hachette
supérieure, éd., 2011
-MALABAT (V.), Droit pénal spécial, Dalloz, 2011
-PLANQUE (J.-C.), Droit pénal spécial, éd. Bréal, 2011
-VERON (M.), Droit pénal spécial, Sirey, 13ème
éd., 2011
-Ouvrages
d’approfondissement
-MANSOUR (S.), « L’influence des liens de parenté dans le
système pénal : Etudes comparatives », Thèse de doctorat -
Université Panthéon Assas Paris, 2008
-MOWENA (J.), « La victime des infractions contre les
personnes », Thèse de doctorat- Université de Paris V, 2002
-VIGUIER (C.), « Recel et blanchiment », Mémoire de
DEA- Université Panthéon Assas Paris,
2004
Introduction
générale
Le droit pénal est la branche du droit
qui détermine les actes ou les comportements contraires à la loi pénale et qui
sont sanctionnés par des peines.
Le droit pénal est un
droit transversal car il a recours à l’ensemble des règles de droit privé et de
droit public. En effet, il est rattaché au droit privé au motif que sa sanction
dépend des juridictions de droit commun. Ce sont les mêmes juridictions (TPI et
CA) qui rendent à la fois la justice civile et pénale.
Mais, par nature, le
droit pénal appartient au droit public dans la mesure où il organise les
rapports entre l’Etat et les individus. Il n’a pas pour première vocation
d’organiser les rapports entre les personnes privées c'est-à-dire les victimes
et l’auteur de l’infraction, mais entre la société et le délinquant.
Le droit pénal se
compose tant du droit pénal général que du droit pénal spécial. Si le droit
pénal général étudie les règles applicables à toutes les infractions ainsi que
la peine en général, le droit pénal spécial étudie, quant à lui, les éléments
constitutifs et les règles particulières de chaque infraction pénale ainsi que
la répression propre à celle-ci. L’étude du droit pénal spécial consiste donc à
aborder les spécificités de chaque infraction pénale tant dans ses éléments
constitutifs que dans sa sanction ou dans les modalités de sa répression (ex.
le vol, le meurtre, la diffamation). Il ne suffit pas de viser par exemple
l’élément matériel, comme en droit pénal général ; il faut, pour chaque
infraction définir celui-ci (ex. pour le vol, il faut une soustraction). Les règles définies dans chaque cas n’étant
valables que pour l’infraction précise qu’elles concernent à l’exclusion de
toutes les autres.
Parce qu’il se
concentre sur l’étude de l’infraction, le droit pénal spécial appartient, tout
comme le droit pénal général, au droit pénal de fond par opposition à la
procédure pénale ou droit pénal de forme.
Droit pénal général et
droit pénal spécial sont les deux branches du droit pénal de fond, ce qui
explique les liens nécessaires entre ces deux matières. En effet, il est
difficile d’aborder l’étude des règles générales de la responsabilité pénale,
l’étude abstraite des éléments constitutifs des infractions et des catégories
d’infractions sans se référer aux infractions elles-mêmes : parce que le
droit pénal général est une tentative de systématisation, de généralisation et
de théorisation du droit pénal spécial, il ne peut se passer de ce dernier.
Mais, il est également difficile d’étudier le droit pénal spécial, à savoir les
infractions dans leur particularité, sans maîtriser les notions de droit pénal
général telles que « tentative », « complicité »,
« imprudence », « élément matériel et moral » de
l’infraction.
Les deux branches du
droit pénal de fond sont donc complémentaires voire indissociable tout en
s’opposant sur leurs particularités : au caractère général et abstrait du
droit pénal général peut en effet être opposé le caractère concret et
casuistique (subtile) du droit pénal
spécial. Cette opposition n’est
d’ailleurs pas a priori en faveur du
droit pénal spécial qui peut apparaître alors comme une discipline juridique
assez peu intéressante n’exigeant que de lister les différents éléments
constitutifs et les peines des infractions dans un catalogue roboratif et plus
ou moins ordonné.
Toutefois, la réalité
est bien évidemment tout autre et l’on peut considérer au contraire le droit
pénal spécial comme une discipline juridique essentielle non seulement en
raison des qualités de rigueur qu’elle exige mais aussi, de par son importance
au sein des autres disciplines juridiques.
L’étude du droit pénal
spécial est tout d’abord une véritable discipline juridique dans la mesure où
il ne s’agit pas seulement d’ânonner les différentes infractions et leurs
éléments constitutifs. L’étude du texte d’incrimination est en effet
indispensable (en vertu du principe de la légalité des délits et des peines) et
pose d’indiscutables problèmes d’interprétation qui doivent être réglés en
respectant le principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Mais, le
droit pénal spécial se double d’une autre difficulté à savoir la qualification
qui exige une très grande rigueur. En effet, la poursuite d’un fait suppose
nécessairement qu’il ait pu se voir appliquer le nom d’une infraction prévue
par un texte pénal en vigueur au moment où il a
été commis. Cette opération de qualification doit être donnée ou
vérifiée, pour chaque fait poursuivi, par chacune des autorités en charge de
leur poursuite. Elle est opérée, en fait par les autorités de police ;
elle reçoit une première manifestation juridique dans les actes par lesquels le
ministère public décide de mettre en mouvement l’action publique ; elle
sera ensuite vérifiée par toutes les
autorités d’instruction et de jugement qui seront successivement saisies ;
elle sera enfin donnée par la cour suprême dans la mesure où la qualification
est une pure question de droit.
Le droit pénal spécial
est ensuite une discipline juridique extrêmement importante à la fois
qualitativement et quantitativement.
Qualitativement, en premier
lieu, parce qu’il est la première des matières de droit pénal : - D’abord, les règles du procès pénal ne se
justifient que dans la mesure où une infraction a été commise : sans
infraction commise, pas de procès pénal ; sans droit pénal spécial, pas de
procédure pénale.
-Ensuite, c’est
à partir du droit pénal spécial, à partir des incriminations particulières que
l’on peut construire le droit pénal général. C’est lorsque deux ou plusieurs
infractions particulières présentent un trait commun qu’apparaît le droit pénal
général. Le droit pénal général, en procédant d’une conceptualisation, d’une
abstraction, d’une généralisation des divers actes interdits, a donc été
précédé par le droit pénal spécial.
- Enfin, il faut toujours vérifier
qu’une infraction pénale a été commise avant de mettre en œuvre les règles
générales de responsabilité pénale (chef d’entreprise, délégation de pouvoirs,
personnes morales). Le droit pénal spécial est donc appliqué avant le droit
pénal général.
Quantitativement, en
second lieu, dans la mesure où le nombre d’infractions pénales est colossal et
sans doute impossible à déterminer précisément. La sanction pénale étant
réputée efficace et dissuasive, la tentation est grande pour le législateur de
recourir systématiquement à cette sanction dans toutes les matières. Cette
utilisation du droit pénal aboutit donc à donner un champ d’application
exponentiel (qui augmente de façon rapide)
au droit pénal spécial. Le domaine de cette matière dépasse en effet
très largement les textes du code pénal et l’on peut considérer aujourd’hui
qu’il n’est aucune branche du droit qui ne prévoit d’incriminations,
d’infractions pénales. On identifie de cette façon le droit pénal des affaires.
Si le droit pénal
spécial touche ainsi toutes les branches du droit, il est toutefois impossible
de prétendre connaître toutes les incriminations et d’en dresser l’inventaire
complet dans un cours. Ce dernier se contentera donc de traiter des infractions
les plus communes, contenues dans le code pénal. D’ailleurs, cet objectif
raisonnable n’est pas particulièrement aisé à atteindre au motif que le nombre
d’infractions pénales contenues dans le seul code pénal est déjà considérable
et implique de faire des choix, d’accorder plus d’importance à certaines
infractions en raison par exemple de leur gravité.
Dans cette
perspective, notre cours sera scindé en
deux parties : La première sera consacrée à l’étude des différents types
d'atteintes aux biens ; la seconde traitera les atteintes aux personnes.
PREMIERE PARTIE : LES INFRACTIONS CONTRE LES BIENS
Les atteintes portées
aux biens d’autrui peuvent être regroupées autour de trois grandes infractions
à savoir, le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance.
Ces 3 infractions
fondamentales peuvent avoir des conséquences qui méritent elles aussi des
sanctions pénales. Il en est ainsi de l’infraction de recel.
Dès lors, on examinera
successivement les infractions fondamentales contre les biens (Titre I) et l’infraction
de recel comme infraction de conséquence des atteintes fondamentales aux biens
(Titre II).
TITRE I : LES INFRACTIONS FONDAMENTALES
Pour bien cerner les
infractions fondamentales contre les biens, il convient d’étudier
successivement l’infraction de vol (chapitre I), celle d’escroquerie (Chapitre
II) et, enfin, celle d’abus de confiance (Chapitre III).
CHAPITRE I : LE VOL
L’étude de l’infraction
de vol précédera celle de certaines infractions qualifiées par la doctrine de
« voisines » de celle-ci.
Sous chapitre I :
L’infraction de vol à proprement parler
Le vol est défini
(Section I) et réprimé (Section II) par l’article 505 et suivants du code
pénal.
Section I : Les
éléments constitutifs du vol
L’article 505 du code
pénal dispose : « quiconque soustrait
frauduleusement une chose appartenant à autrui est coupable de vol
(…) ».
De la lecture de cette
définition, il ressort que cette infraction suppose un élément matériel (§1) et un élément moral (§2).
§1. L’élément matériel
du vol
L’élément matériel du
vol est une soustraction (B) accomplie sur une chose appartenant à autrui (A).
A- La chose
appartenant à autrui
Le vol doit s’exécuter
sur une chose (1) et sur une chose appropriée (2).
1. Une chose
Malgré l’importance de
la chose comme objet de l’infraction de vol, le législateur n’a pas donné de
définition à celle-ci. Dès lors, il
a été admis (par la doctrine pénaliste)
que seuls les objets mobiliers corporels peuvent faire l’objet d’un vol ;
eux seuls peuvent être déplacés. En effet, il faut pour voler, pouvoir déplacer
la chose, ce qui s’oppose au vol des immeubles et des biens incorporels
insusceptibles de ce déplacement. La dépossession d’un bien immobilier et
l’atteinte portée à un bien incorporel peuvent être réprimées par d’autres
textes sans être qualifiées d’infraction de vol.
Il y a vol, pour le
droit pénal, dès qu’un objet peut être détaché et enlevé de son support, même
si l’ensemble auquel il appartient est immobilier. Dès lors, l’on peut se
rendre coupable de vol des immeubles par destination (glaces, ornements, statues...).
Il peut aussi y avoir vol de morceaux détachés de l’immeuble. En effet,
si on ne peut voler une maison (immeuble), même si on la démonte morceau par
morceau, on peut être coupable du vol des pierres, des briques, des volets au
fur et à mesure de leur enlèvement ou d’un titre de propriété immobilière. De
même, on peut dérober un titre de propriété immobilière (bien meuble).
En outre, le
législateur a, dans l’article 521 du code pénal, appréhendé le vol d’énergie
électrique ou de toute autre énergie de valeur économique. En d’autres termes,
cette infraction s’applique notamment à l’électricité, à l’eau ou au gaz,
lorsqu’ils sont fournis contre paiement par une société distributrice. Cette
appropriation clandestine s’opère généralement au moyen de branchement effectué
avant le compteur.
2. Une chose appartenant à autrui
Parmi les conditions du
vol, l’une des plus importantes est que la chose soustraite appartienne à
autrui que le propriétaire en question soit une personne publique ou privée, et
même si la personne en question n’est pas évidemment déterminée. Il suffit,
pour condamner pour vol, de constater que la chose ne pouvait appartenir à
celui qui l’a prise et il importe peu qu’on ne connaisse pas l’identité du
propriétaire. On peut voler les choses dotées d’une affectation communautaire
plus ou moins étendue, qui appartiennent à la communauté en vertu d’un droit de
propriété en quelque sorte innomé exemple l’argent destiné à la communauté des
pauvres.
Toutefois, il n’y a pas
vol à prendre un resnullis, chose qui
n’appartient à personne, puisque la propriété s’en acquiert par occupation
c'est-à-dire par appréhension licite (exemple les animaux sauvages, dans leur
état de liberté naturelle, les poissons de la mer, les coquillages, les pierres
précieuses…).
Il n’y a pas vol non
plus, à s’approprier une chose qui a appartenu à quelqu’un mais qui a été
abandonnée par lui, ce qui rend licite l’activité de récupérateur. Il faut
cependant être certain que le propriétaire antérieur voulait bien se défaire de
la chose. Il ne faut pas confondre les objets abandonnés avec ceux perdus.Ces
derniers demeurent la propriété de celui qui les a égarées et sont donc volées
par celui qui les appréhende. (Ces faits sont réprimés par des peines
atténuées : articles 527 relatif à l’appropriation d’une chose mobilière
sans en avertir l’autorité locale de police ou le propriétaire et l’article 528
relatif au trésor).
De même, il n’y a pas
vol à prendre sa propre chose, même si autrui a des droits sur elle et si,
donc, l’acte nuit à quelqu’un. Le prêteur qui reprend avant le terme convenu,
la chose prêtée, viole les règles de droit civil du prêt et engage sa
responsabilité civile contractuelle mais ne commet pas de vol.
Toutefois, cette absence
de possibilité de punir trouve ses limites dans deux situations :
-La première est
relative à l’article 523 du code pénal qui appréhende le cas de la chose
commune. En d’autres termes, le vol est
possible entre cohéritiers ou prétendant à une succession qui, frauduleusement,
dispose avant le partage, de tout ou
partie de la succession. Il en est de même des copropriétaires ou associés qui
disposent frauduleusement de choses communes ou du fonds social. L’acte porte
sur la partie éventuellement non individualisée, dont l’agent n’est pas
propriétaire. A contrario, seule la
propriété exclusive et intégrale d’une chose permet à la personne de ne pas
commettre de vol.
-La seconde est
relative à la chose n’appartenant pas encore au voleur. C'est-à-dire que la
propriété exclusive, qui fait obstacle au vol, doit être actuelle ce qui
implique la condamnation des personnes qui, se sachant désignées dans un
testament, ont cru pouvoir appréhender les biens du « de cujus »
encore vivant.
B -l’acte de soustraction
Il est de principe
qu’il n’y a vol que lorsque la chose, objet du délit, passe de la possession du
légitime détenteur dans celle de l’auteur du délit, à l’insu et contre le gré
du premier. Pour soustraire, il faut prendre, enlever ou déplacer la chose
contre le gré du propriétaire. En d’autres termes, il faut une manipulation
matérielle de la chose qui s’accompagne d’un transfert indu de la possession.
Le cas le plus
fréquent, en pratique, et le moins douteux, en droit est l’hypothèse dans
laquelle le voleur s’empare de la chose d’autrui à l’insu de son
propriétaire : un pick-pocket qui vole un porte-monnaie ou un bijou dans
une foule sans que la victime ne s’en aperçoive.
Toutefois, le
législateur est allé très loin dans son appréhension de la soustraction pour
l’étendre à la remise volontaire de la chose par erreur ou par hasard. En effet, est voleur, au sens de l’alinéa 2
de l’article 527 du code pénal, toute personne qui s’approprie frauduleusement une chose mobilière parvenue en sa possession
par erreur ou par hasard. Tel est le cas
de la personne qui profite de l’erreur du commerçant qui rend trop de monnaie.
Il est patent que le
législateur a rendu le délit de vol aussi bien un délit de commission que
d’abstention.
Par ailleurs, on s’est
posé la question de savoir si la
soustraction temporaire d’une chose sans le consentement de son propriétaire constitue un vol.
En réponse, le
législateur n’a donné que partiellement la solution dans l’article 522 du code
pénal qui appréhende le cas de l’usage d’un véhicule motorisé à l’insu et
contre la volonté de l’ayant droit. Cette solution a été étendue au vol d’usage
de toute chose. En effet, il a été admis que le vol est une infraction
instantanée qui est parfaitement
réalisée dès la soustraction d’une chose. Peu importe qu’ensuite le voleur
restitue l’objet au véritable propriétaire, cet acte ne constituant qu’un
repentir actif qui n’efface pas l’existence de l’infraction déjà réalisée. //
§2. L’élément moral : l’intention frauduleuse
Le vol est une infraction intentionnelle, la
soustraction devant être frauduleuse. Cette intention implique que l’auteur est
conscient que la chose appartient à autrui et qu’il est animé par la volonté de
se l’approprier. Cette intention ne sera donc pas caractérisée lorsque
l’auteur de la soustraction a cru prendre une chose qui lui appartenait.
La définition de
l’intention pose une certaine difficulté notamment dans le cadre de la soustraction temporaire. A
cet égard, il a été admis que le vol est constitué lorsque l’appréhension a
lieu dans des circonstances telles qu’elle révèle l’intention de se comporter, même momentanément en propriétaire.
Par ailleurs, les mobiles sont indifférents. En effet, nul
ne peut se faire justice à soi-même.
Section II : La répression du vol
§1. Les obstacles à la répression
L’immunité
familiale peut faire obstacle à la poursuite de
l’infraction de vol. Cette immunité est réservée à des infractions ne mettant
en jeu que des intérêts matériels.
Le jeu de cette
immunité est strictement encadré. Elle
ne joue qu’au bénéfice des personnes visées par la loi. En effet, n’est
pas punissable le vol commis par des
maris au préjudice de leurs femmes et par des femmes au préjudice de leurs
maris.
De même, ne sont pas
punissables les vols commis par des
ascendants au préjudice de leurs enfants ou autres descendants à savoir
petits-enfants ou arrières petits-enfants. (Article 534 du CP)
Les vols commis par des descendants au préjudice de
leurs ascendants, ou entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré
inclusivement, ne peuvent être poursuivis que sur plainte de la personne
lésée ; le retrait de la plainte met fin aux poursuites (article 535 du
code pénal).
Par ailleurs, au sens
de l’article 536 du CP, cette immunité a
un effet strictement personnel, elle ne peut être étendue aux différents
complices, coauteurs ou receleurs. Ceux-ci pourront donc être condamnés
puisque l’infraction ne disparaissant pas du fait de l’immunité, elle constitue
le fait principal indispensable à l’existence de la complicité punissable ou du
recel.
§2. Les sanctions du vol
A- Les peines principales
1)
Le vol simple
Les peines principales
prévues pour le vol ordinaire figurent à l’article 505 du code pénal. Ce sont
l’emprisonnement d’un à 5 ans et
d’une amende de 120 à 500 dirhams.
2)
Les vols aggravés
Les vols aggravés sont
des vols commis dans des circonstances qui les rendent plus graves que le vol
ordinaire. Le législateur, souvent inspirées par l’observation criminologique,
a imaginé un nombre considérable de circonstances aggravantes transformant le
vol en un crime.
a) l’article 510 du code pénal punit de 5 à 10 ans les
individus auteurs de vol commis avec
une seule des circonstances suivantes :
*si le vol a été commis avec violences, ou
menaces de violences, ou port illégal d’uniforme, ou usurpation d’une fonction
d’autorité ;
* Si le vol a été commis
la nuit ;
*Si le vol a été commis
en réunion, par deux ou plusieurs personnes ;
*Si le vol a été commis
à l’aide d’escalade;
* si le vol a été
commis au cours d’un incendie ou après une explosion, un effondrement, une
inondation, un naufrage, une révolte, une émeute ou tout autre trouble ;
* si le vol a porté
sur un objet qui assurait la sécurité d’un moyen de transport quelconque,
public ou privé.
b) L’article 509 du code pénal punit de la
réclusion de 10 à 20 ans les individus coupables de vol commis avec deux au moins des circonstances
suivantes :
*si le vol a été commis
avec violences, ou menaces de violences, ou port illégal d’uniforme, ou
usurpation d’une fonction d’autorité ;
*si le vol a été commis
la nuit ;
*si le vol a été commis
en réunion par deux ou plusieurs personnes ;
*si le vol a été commis
à l’aide d’escalade, d’effraction extérieure ou intérieure, d’ouverture
souterraine, de fausses clés, ou de bris de scellés, dans une maison,
appartement, chambre ou logement, habités ou servant à l’habitation ou leurs
dépendances (Même circonstance que celle prévue par l’article 510 avec
une différence au niveau du lieu ;
*si les auteurs du vol
se sont assurés la disposition d’un véhicule motorisé en vue de faciliter
leur entreprise ou de favoriser leur fuite ;
*si l’auteur est un
domestique ou serviteur à gages même lorsqu’il a commis le vol envers des
personnes qu’il ne servait pas, mais qui se trouvaient soit dans la maison de
son employeur, soit dans celle où il l’accompagnait ;
*si le voleur est un
ouvrier ou apprenti, dans la maison, l’atelier ou magasin de son employeur ou
s’il est un individu travaillant habituellement dans l’habitation où il a volé.
c) l’article 508 punit de la réclusion de vingt à trente ans les individus
coupables de vol commis sur les chemins publics ou dans les
véhicules servant au transport des voyageurs, des correspondances des bagages
ou dans l’enceinte des voies ferrées, gares, ports, aéroports, quais de
débarquement ou d’embarquement, lorsque
le vol a été commis avec l’une au moins des circonstances visées à l’article
suivant (à savoir l’art.509).
d) L’article 507 punit de la réclusion perpétuelle les individus coupables de vol, si les voleurs ou l’un
d’eux étaient porteurs de manière apparente ou cachée d’une arme au sens de l’article 303, même
si le vol a été commis par une seule personne et en l’absence de toute autre
circonstance aggravante. La même
peine est applicable si les coupables ou l’un d’eux détenaient l’arme dans
le véhicule motorisé qui les a conduits sur le lieu de l’infraction ou qu’ils
auraient utilisé pour assurer leur fuite.
B- Les peines complémentaires
Au sens de l’article
539 du code pénal, les coupables de délits de vol simple peuvent être frappés
pour 5 ans au moins et 10 ans au plus de l’interdiction d’exercice de l’un ou
de plusieurs des droits civiques, civils ou de famille ou de l’interdiction de
séjour. //
Sous-chapitre II : Les infractions
voisines du vol
Section I : L’extorsion
Pour bien cerner
l’infraction de l’extorsion, il convient d’analyser successivement ses éléments
constitutifs et ses sanctions.
§1.
Les éléments constitutifs de l’extorsion
L’article 537 du code
pénal prévoit que « quiconque par (au moyen de) force, violences ou contraintes
extorque la signature ou la remise d’un écrit, d’un acte, d’un titre, d’une
pièce quelconque contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, est
puni de la réclusion de 5 à 10 ans ».
De cette définition, il
résulte que l’extorsion suppose la réunion de deux éléments constitutifs :
l’élément matériel et l’élément moral.
A- L’élément matériel
L’élément matériel de
l’extorsion est précisé à la fois par les moyens qui doivent être employés et
par le résultat qui doit être obtenu ou au moins visé puisque la tentative
d’extorsion est incriminée par l’article 539 du code pénal.
Concernant
les moyens employés, il y a extorsion au sens de la loi seulement si l’auteur
utilise « la force, la violence ou la contrainte».L’emploi
de ces moyens doit avoir été déterminant de la remise opérée par la victime ou
avoir été de nature à déterminer cette remise dans le cas de la tentative.
Concernant
le résultat poursuivi, il doit être soit l’obtention d’une signature soit la
remise d’un titre ou d’un acte pourvu qu’ils contiennent obligation, disposition ou décharge
c'est-à-dire un écrit Si la signature extorquée est
toujours celle de la victime, le titre remis peut émaner d’un tiers, voire même
de l’auteur de l’infraction. Tel est le cas du débiteur de la victime qui se
fait remettre l’acte constatant cette obligation.
B-
L’élément moral
En dépit du défaut
d’appréhension expresse de cet élément par le législateur, il résulte
suffisamment de l’accomplissement de l’élément matériel de l’extorsion.
L’intention apparaît de façon évidente à l’examen des moyens matériels utilisés
par l’auteur. En effet, celui qui emploie la violence ou la contrainte ne peut
que vouloir ces actes et avoir conscience de ce qu’il accomplit.
Par ailleurs, l’intention est distincte du
mobile, qui, lui, est indifférent. En
effet, nul ne peut se faire justice à soi-même.
§2.
La répression de l’extorsion
La peine principale de
l’extorsion est plus sévère que celles du vol car avec l’extorsion, l’atteinte
à la personne est plus grave.
En effet, l’article 537
du code pénal prévoit une réclusion de 5 à 10 ans à l’encontre des personnes
qui se sont rendues coupables d’une extorsion de signature ou de remise d’un
titre ou écrit contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge.
Toutefois,
contrairement au délit de vol où l’immunité familiale
peut faire obstacle à la poursuite de l’infraction, celle-ci n’a pas sa place
dans l’infraction de l’extorsion au motif que dans cette dernière l’atteinte à
la personne est plus grave.
Section
II : Le chantage
Pour bien cerner
l’infraction de chantage, il convient d’étudier ses éléments constitutifs et
son système de répression.
§1.
Les éléments constitutifs du chantage
A- L’élément
matériel
L’article 538 du code
pénal prévoit que « quiconque au
moyen de la menace écrite ou verbale,
de révélations ou d’imputations diffamatoires, extorque (obtient= c’est un abus de langage) soit la remise de fonds
ou valeurs, soit la signature ou remise des écrits prévus à l’article
précédent, est coupable de chantage et puni de l’emprisonnement d’1 à 5
ans et d’une amende de 200 à 2000 dirhams ».
De la lecture de cette
définition, il ressort que le
chantage apparaît proche de l’extorsion par son résultat. En effet, le
résultat du chantage est, tout comme pour l’extorsion, l’obtention d’une signature, la remise de fonds, de valeurs ou des
écrits constatant ou éteignant un droit. Notons que toutes les choses
énumérées dans l’article 537 peuvent faire l’objet d’un chantage. Toutefois,
l’article 538 ajoute les remises de fonds ou de valeurs.
Toutefois,
les moyens employés pour parvenir à ce résultat sont radicalement différents.
Le chantage consiste en effet à obtenir ce résultat en usant non pas de
violence ou de la contrainte mais d’une
menace d’une nature très particulière puisqu’il s’agit de révéler ou
d’imputer des faits attentatoires à l’honneur ou à la considération,
c'est-à-dire de la menace d’une
diffamation.
Cette menace doit, pour
caractériser le chantage, avoir été déterminante
de la remise opérée par la victime ou avoir été de nature à déterminer
cette remise pour la tentative de chantage.
B- L’élément
moral
Le chantage exige que l’auteur ait employé cette menace
spécifique en connaissance de cause et en voulant obtenir le bien réclamé.
La preuve de cette intention résultera sans difficulté de l’accomplissement des
actes incriminés. En d’autres termes, il serait difficile de prétendre ne pas
avoir eu l’intention d’obtenir par la menace d’une diffamation, ce qui n’aurait
pas pu être obtenu par un accord librement consenti.
Par ailleurs, l’intention est distincte du
mobile, qui, lui, est indifférent. En
effet, nul ne peut se faire justice à soi-même.
§2.
La répression du délit de chantage
La peine principale du
chantage est moins sévère que celle de l’extorsion car avec le chantage, les
moyens utilisés pour obtenir le résultat escompté ne sont pas si graves que
ceux de l’extorsion.
En effet, l’article 538
du code pénal prévoit une réclusion d’un à 5 ans à l’encontre des personnes,
auteurs de chantage, qui au moyen de menace de diffamation extorquent soit la remise de fonds ou valeurs, soit la signature
ou remise d’un écrit contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge.
Aussi, le législateur a
prévu des peines complémentaires à l’encontre de l’auteur du chantage. Ce
dernier peut être frappé pour une durée de 5 ans au moins et 10 ans au plus de
l’interdiction d’exercice de l’un ou de plusieurs des droits civiques, civils
ou de famille ou de l’interdiction de séjour.
A
l’instar du délit d’extorsion, l’immunité familiale
ne peut faire obstacle à la poursuite de l’infraction. Celle-ci n’a pas sa
place dans l’infraction du chantage.
CHAPITRE
II : L’ESCROQUERIE
L’étude de l’infraction
de l’escroquerie précédera celle de certaines infractions qualifiées par la
doctrine de « voisines » de celle-ci.
Sous
chapitre I : L’infraction d’escroquerie à proprement parler
L’escroquerie est
définie (Section I) et réprimée (Section II) par les articles 540 et suivants
du code pénal.
Section
I : Les éléments constitutifs de l’escroquerie (une astuce)
L’article 540 du code
pénal prévoit que « Quiconque, en vue de se procurer ou de
procurer à un tiers, un profit pécuniaire illégitime, induit astucieusement
en erreur une personne par des affirmations fallacieuses, ou par la
dissimulation de faits vrais, ou exploite astucieusement l’erreur où se
trouvait une personne et la détermine ainsi à des actes préjudiciables à
ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers, est coupable d’escroquerie
et puni de l’emprisonnement d’un à 5 ans et d’une amende de 500 à 5000
dirhams ».
De la lecture de cette
définition, il ressort que cette infraction suppose un élément matériel (§1) et un élément moral (§2).
§1.
L’élément matériel de l’escroquerie
L’élément matériel de
l’escroquerie est précisé à la fois par les moyens qui doivent être employés et
par le résultat qui doit être obtenu ou au moins visé puisque la tentative
d’escroquerie est incriminée par l’article 546 du code pénal
A- L’acte
de l’escroquerie
L’acte caractéristique
de l’escroquerie consiste soit, à provoquer
l’erreur de la victime par l’emploi de certains procédés énumérés
limitativement par le législateur, soit à
profiter de la situation d’erreur dans laquelle se trouve la victime
afin de déterminer des actes préjudiciables à ses intérêts ou à ceux d’un
tiers.
La
provocation de l’erreur de la victime
peut résulter des affirmations fallacieuses données par l’auteur à celle-ci
ou de la dissimulation des faits
vrais.
L’acte de l’escroquerie
peut également trouver sa source dans l’exploitation
de l’erreur dans laquelle se trouve la victime. Tel est le cas d’un marchand d’art qui
profite de l’erreur d’une personne concernant l’authenticité d’une œuvre d’art
qu’elle croit une contrefaçon (copie). Le marchand la confirme dans son erreur
et se propose de racheter l’œuvre moyennant un prix dérisoire.
B- Le résultat de
l’escroquerie
Les moyens
frauduleux employés par l’auteur doivent avoir pour but de « se procurer ou de procurer à un tiers un profit
pécuniaire illégitime ». Par profit illégitime, il faut entendre tout
enrichissement sans cause de l'escroc ou d’un tiers au détriment de la
victime.
Toutefois, se
pose la question de savoir si les
moyens frauduleux réalisés en vue d’obtenir une chose due ou l’accomplissement
d’une obligation peuvent constituer le délit d’escroquerie.
A ce titre, il
semble que le législateur a donné une réponse dans la définition de
l’escroquerie dans la mesure où il précise que cette infraction doit pour être
constituée notamment avoir pour but de se procurer ou de procurer à un tiers un profit pécuniaire illégitime (la
réalisation d’un profit pécuniaire illégitime). Donc, le but de
l’escroquerie doit être la cupidité illégitime. A défaut, l’infraction
d’escroquerie n’est pas constituée.
Le législateur
exige aussi pour que l’escroquerie soit
constituée, l’existence d’un appauvrissement de la victime ou d’un tiers.
En d’autres termes, il faut que la victime ait éprouvé une perte ou subi un
préjudice pécuniaire.
§2.
L’élément moral de l’escroquerie
L’escroquerie exige la
preuve que l’auteur ait, volontairement et en pleine connaissance de cause,
trompé sa victime en provoquant son erreur ou en exploitant son erreur déjà
préexistante afin de se procurer ou de procurer à un tiers un profit pécuniaire
illégitime.
La preuve de cette
intention résultera sans difficulté de l’accomplissement des moyens frauduleux.
Les mobiles
poursuivis par l’auteur sont indifférents et il importe peu, par exemple, que
l’auteur ait soutenu une association charitable avec les sommes escroquées.
Section
II : La répression de l’escroquerie
A l’instar de
l’infraction du vol, les sanctions prévues pour l’escroquerie (§1) ne pourront
pas être prononcées si certaines circonstances peuvent être invoquées (§2).
§1.
Les obstacles à la répression (renvoi au paragraphe 1 de la section II du délit
de vol)
§2. Les sanctions de l’escroquerie
L’escroquerie est
sanctionnée qu’elle ait été consommée ou seulement tentée (art.546). Les peines
prévues étant identiques. Les personnes qui se sont rendues coupables
d’escroquerie encourent aussi bien des peines principales (A) que
complémentaires (B).
A- Les
peines principales
Dans notre droit, le
législateur punit différemment l’auteur d’une escroquerie simple et celui d’une
escroquerie commise avec des circonstances
aggravantes. Cette dernière est réprimée d’une façon plus sévère que la
première compte tenu du préjudice important qu’elle entraîne à la société.
1) L’escroquerie
simple
Les peines principales
prévues pour l’escroquerie ordinaire figurent à l’alinéa 1 de l’article 540 du
code pénal. Ce sont l’emprisonnement d’un
à 5 ans et d’une amende de 500 à 5000 dirhams. L’escroquerie est donc
ordinairement un délit correctionnel.
3)
L’escroquerie
commise avec des circonstances aggravantes
L’escroquerie commise
avec des circonstances aggravantes est appréhendée par l’alinéa 2 de l’article
540 du code pénal. Celui-ci punit de 2 à 10 ans d’emprisonnement et d’une
amende pouvant aller jusqu’à 100.000 DH « (….) une personne ayant fait appel au public en vue
de l’émission d’actions, obligations, bons (de trésor), parts ou titres
quelconques, soit d’une société, soit d’une entreprise commerciale ou
industrielle ».
L’aggravation des
pénalités est attachée à la circonstance que l’infraction a été réalisée par le
moyen de l’appel au public. Ainsi, la circonstance aggravante a un caractère
réel et non personnel. La sévérité du législateur s’explique par le fait que
cette escroquerie a des conséquences graves pour le pays dans la mesure où elle
détourne l’épargne de l’investissement productif.
B-
Les peines complémentaires
Au sens de l’article
546 du code pénal, les coupables du délit d’escroquerie peuvent être frappés
pour 5 ans au moins et 10 ans au plus de l’interdiction d’exercice de l’un ou
de plusieurs des droits civiques, civils ou de famille ou de l’interdiction de
séjour.
Sous-Chapitre
II : Les infractions voisines de l’escroquerie
Une analyse de ces
différentes infractions précédera celle de leur répression.
Section
I : L’analyse des infractions de l’article 542 du CP
Ces infractions sont en
nombre de trois:
*En premier lieu, on
trouve les actes de disposition de
biens inaliénables : Il faut pour que l’infraction soit
constituée, un élément matériel consistant en la disposition (vente par
exemple) d’un bien inaliénable comme les biens habous par exemple ainsi qu’un
élément intentionnel à savoir la mauvaise foi. Celle-ci résulte suffisamment du
fait de la connaissance par l’auteur du caractère inaliénable du bien ;
*En deuxième lieu, on
trouve le fait de donner des biens en
« rahn », en usufruit, en gage ou en location, ou en dispose d’une
façon quelconque et ce en fraude des droits d’un premier contractant.
Il faut pour que l’infraction soit constituée, un élément matériel consistant
en le fait de disposer d’un bien qui a déjà fait l’objet d’un premier contrat
avec un tiers et un élément intentionnel à savoir la mauvaise foi. Celle-ci
résulte de la connaissance qu’avait l’auteur de l’existence du premier contrat.
*En troisième lieu, on
trouve la poursuite en recouvrement
d’une dette déjà éteinte par paiement ou novation. Il faut pour que l’infraction soit incriminée
un élément matériel consistant en la poursuite judiciaire en recouvrement et
non une simple réclamation.
Concernant l’élément
intentionnel, il requiert la mauvaise foi de l’auteur. Celle-ci résulte de la
connaissance qu’avait l’auteur du fait que la dette n’existait plus.
§2.
La répression des infractions de l’article 542 du CP
Les infractions de
l’article 542 du CP sont sanctionnées qu’elles aient été consommées ou
seulement tentées (art.546). Les peines prévues étant identiques. Les personnes
qui se sont rendues coupables de ces infractions encourent aussi bien des
peines principales (A) que complémentaires (B).
A- Les
peines principales
Les peines prévues pour
les infractions de l’article 542 figurent à l’alinéa 1 de l’article 540 du code
pénal. Ce sont l’emprisonnement d’un
à 5 ans et d’une amende de 500 à 5000 dirhams.
B-
Les peines complémentaires
Au sens de l’article
546 du code pénal, les coupables des infractions de l’article 542 peuvent être
frappés pour 5 ans au moins et 10 ans au plus de l’interdiction d’exercice de
l’un ou de plusieurs des droits civiques, civils ou de famille ou de
l’interdiction de séjour.
CHAPITRE
III : L’ABUS DE CONFIANCE
L’étude de l’infraction
de l’abus de confiance précédera celle de certaines infractions qualifiées par
la doctrine de « voisines » de celle-ci.
Sous
chapitre I : L’infraction d’abus de confiance à proprement parler
L’article 547 du code
pénal prévoit que « Quiconque de
mauvaise foi détourne ou dissipe au préjudice des
propriétaires, possesseurs ou détenteurs, soit des effets, des deniers
ou marchandises, soit des billets, quittances, écrits de toute nature contenant
ou opérant obligation ou décharges et qui lui avaient été remis à la
condition de les rendre ou d’en faire usage ou un emploi déterminé, est
coupable d’abus de confiance et puni de l’emprisonnement de six mois à trois
ans et d’une amende de 200 à 2000 dirhams ».
L’abus de confiance est
défini (Section I) et réprimé (Section II) par les articles 547 et suivants du
code pénal.
Section
I : Les éléments constitutifs de l’abus de confiance
Au sens de la loi,
l’infraction de l’abus de confiance suppose un élément matériel (§1) et un élément moral (§2).
§1.
L’élément matériel de l’abus de confiance
L’élément matériel de
l’abus de confiance présente deux éléments caractéristiques : il s’agit
d’un acte de détournement (B) qui implique que le bien détourné ait été
préalablement remis (A).
B- La
remise d’un bien
Il faut préciser non
seulement la nature du bien remis mais aussi la nature de la remise
elle-même.
La liste des biens ou
objets pouvant être remis est fixée par l’article 547 du code pénal. Par ces
termes, il faut entendre : le
numéraire, les objets mobiliers susceptibles de faire l’objet d’un commerce et
tous les écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, les valeurs
mobilières, les effets de commerce, soit tous les papiers représentant pour la
victime, une valeur appréciable en argent. Ainsi, les écrits sans
valeur commerciale ne rentrent pas dans
cette catégorie.
La remise du bien doit
présenter 3 caractères :
*Elle est d’abord nécessaire. Sans remise, il n’y
a pas d’abus de confiance ;
*Elle est ensuite volontaire, car
sinon il pourrait y avoir escroquerie, mais pas d’abus de confiance ;
*Elle est, enfin, précaire car les objets ont été
remis à la personne « à charge de les rendre, de les représenter ou d’en
faire un usage déterminé ». Si la remise a été faite en propriété, il ne
saurait y avoir abus de confiance.
B-
Le détournement du bien
L’acte de détournement
peut résulter soit, de la non restitution de la chose, soit de son utilisation
à des fins étrangères à celles qui avaient été stipulées.
En d’autres termes, le
détournement peut consister dans un acte matériel de destruction, de consommation ou d’une aliénation, ou même
dans l’utilisation de la chose à une fin à laquelle elle n’était pas destinée.
Le détournement doit
ensuite être préjudiciable pour correspondre à la définition de l’article 547.
Peu importe la nature du préjudice. Il peut être matériel ou même moral.
La précision de
l’article 547 « au préjudice des
propriétaires, possesseurs ou détenteurs » n’est pas exclusive.
Elle implique que la loi protège toute
personne ayant un droit quelconque sur la chose. Il en est ainsi de
l’usufruitier, du dépositaire, de l’emprunteur ou du locataire.
§2.
L’élément moral de l’abus de confiance
L’abus de confiance est
une infraction intentionnelle. Celle-ci consiste dans la double conscience de
la précarité de la détention (découlant de l’obligation de restituer) et d’un
comportement en contravention de cette précarité, ce comportement allant de
pair avec la conscience de l’éventualité d’un préjudice.
Il n’est pas nécessaire
que l’auteur ait tiré un profit personnel du détournement. Peu importe
également qu’il ait cru pouvoir rendre la chose indûment détournée, l’abus de
confiance est réalisé lorsque l’impossibilité de restituer fait apparaître le
préjudice.
Section
II : La répression de l’abus de confiance
Les sanctions prévues
pour l’abus de confiance (§1) ne pourront pas être prononcées si certaines
circonstances peuvent être invoquées (§2).
§1.
Les obstacles à la répression (renvoi au paragraphe 1 de la section II du délit
de vol)
§2. Les sanctions de l’abus de confiance
L’abus de confiance
n’est sanctionné que si l’infraction ait été consommée. La simple tentative
n’est pas punissable (art.555). Les personnes qui se sont rendues coupables
d’abus de confiance encourent aussi bien des peines principales (A) que
complémentaires (B).
A- Les
peines principales
Le législateur punit
différemment l’auteur d’un abus de confiance simple et celui d’un abus de
confiance commis avec des circonstances aggravantes. Cette dernière infraction
est réprimée d’une façon plus sévère que la première compte tenu du préjudice
important qu’elle entraîne à la société.
1)
L’abus
de confiance simple
Les peines principales
prévues pour l’abus de confiance figurent à l’article 547 du code pénal. Ce
sont l’emprisonnement de 6 mois à trois ans et d’une amende de 120 à 2 000 dirhams.
2)
L’abus
de confiance commis avec des circonstances aggravantes
Le législateur, souvent
inspirées par l’observation criminologique, a prévu certaines circonstances
aggravantes dans les articles 549 et 550 du code pénal.
a- l’article 549
prévoit une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de 120 à
5 000 dirhams si l’abus de confiance a été commis :
*soit par un Adel, séquestre, curateur,
administrateur judiciaire agissant dans l’exercice ou à l’occasion de leurs
fonctions. Il est donc nécessaire que les objets aient été remis
volontairement en raison d’un contrat de droit privé ou d’un dépôt judiciaire
et que le détournement ait été commis dans l’exercice des fonctions ou à
l’occasion de cet exercice.
*soit par un administrateur, employé ou gardien
d’une fondation pieuse, au préjudice de la fondation. Il en est ainsi
d’un employé des Habous par exemple.
*Soit par un salarié ou préposé au préjudice de son employeur ou
commettant. Le salarié ou préposé est celui qui travaille directement
pour l’employeur ou le commettant, sous sa surveillance constante et générale,
moyennant une rémunération. En outre, il faut que le détournement ait été
commis au préjudice de l’employeur ou du commettant.
b- l’article 550 du
code pénal prévoit que la peine de l’emprisonnement pour l’abus de confiance
simple est portée au double soit de 1 à 6 ans et le maximum de l’amende à
100 000 dirhams si « l’abus de confiance a été commis
par une personne faisant appel au public afin d’obtenir, soit pour son propre
compte, soit comme directeur, administrateur ou agent d’une société ou d’une
entreprise commerciale ou industrielle, la remise de fonds ou valeurs à titre
de dépôt, de mandat ou de nantissement ».
Cette disposition
concerne non seulement les personnes qui par profession, pratiquent
habituellement des placements ou des opérations boursières, tels que les
banquiers, mais aussi les représentants d’entreprises commerciales ou
industrielles qui s’adressent au public pour se procurer des fonds dans
l’intérêt de ces entreprises, par exemple à l’occasion d’une émission d’actions
ou d’obligations à laquelle elles procèdent.
L’application de cette
circonstance aggravante exige que le détournement porte sur les fonds ou titres
obtenus à l’aide de cet appel au public et que ces valeurs aient été remises à titre de dépôt, de mandat ou de nantissement
B-
Les peines complémentaires
Au sens de l’article
555 du code pénal, les coupables de délit d’abus de confiance simple ou avec
des circonstances aggravantes peuvent être frappés pour 5 ans au moins et 10
ans au plus de l’interdiction d’exercice de l’un ou de plusieurs des droits civiques,
civils ou de famille ou de l’interdiction de séjour.
Sous-chapitre
II : Les infractions voisines de l’abus de confiance
Ces infractions sont
prévues successivement par les articles 551, 552, 553 et 554 du code pénal. Il
s’agit, d’abord, de l’abus réalisé en inexécution d’un contrat, ensuite de
l’abus réalisé au préjudice d’une personne protégée, après celui de blanc-seing
et, enfin, du détournement ou de soustraction des documents dans une
procédure.
Section
I : L’abus réalisé en inexécution d’un contrat : infraction de
l’article 551 du code pénal
L’article 551 du code
pénal dispose « Quiconque s’étant fait remettre des
avances en vue de l’exécution d’un contrat, refuse sans motif légitime
d’exécuter ce contrat ou de rembourser ces avances, est puni de l’emprisonnement
d’un à six mois et d’une amende de 120 à 250 dirhams »
Cette infraction est
destinée à réprimer les pratiques de certains fournisseurs ou professionnels
malhonnêtes qui troublent la régularité des transactions. Il en est ainsi
lorsque l’intéressé, au lieu d’effectuer ses obligations, a dissipé les fonds qui
lui avaient été versés d’avance. Il en est de même des fonds versés à un avocat
à titre d’honoraires, ces fonds ne lui ont pas été remis à titre définitif.
Cette infraction
nécessite deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
*L’élément matériel consiste, d’une part, en l’obtention des
arrhes en vue de l’exécution d’un contrat et, d’autre part, en la non-
exécution de celui-ci ou le refus de remboursement des fonds perçus.
*l’élément moral consiste, pour sa part, en l’intention
frauduleuse caractérisée par l’absence de motifs légitimes pour refuser
l’exécution ou le remboursement.
En général, l’auteur de
cette infraction encourt une peine d’emprisonnement d’un à 6 mois et d’une
amende de 120 à 250 dirhams. Toutefois, aucune peine complémentaire n’est
prévue à son encontre.
Section
II : L’abus réalisé au préjudice d’une personne protégée : infraction
de l’article 552 du code pénal
L’article 552 dispose
« quiconque abuse des besoins, des passions ou de l’inexpérience d’un
mineur (état de la victime)de vingt et un an ou de tout autre incapable ou
interdit, pour lui faire souscrire à son préjudice, des obligations, décharges
ou autres actes engageant son patrimoine, est puni de l’emprisonnement de 6
mois à 3 ans et d’une amende de 200 à 2000 dirhams »
Cette infraction
nécessite deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
*L’élément matériel est constitué, d’abord, par l’état de
victime. Au sens de la loi, les personnes protégées sont les mineurs et
tous ceux qui leur sont assimilés à savoir
les incapables (faible d’esprit) ou les personnes frappées
d’interdiction.
L’élément matériel est
constitué, ensuite, par la nature de l’engagement qui doit être un acte qui
porte préjudice aux intérêts de la victime.
L’élément matériel est
constitué, enfin, par le fait que l’auteur ait abusé des besoins, des
passions de la victime et en tout cas de son inexpérience. Ces notions sont très vagues c’est pourquoi
leur appréciation est laissée à la juridiction de jugement.
*l’élément moral consiste, pour sa part, en l’intention
coupable. Celle-ci est réalisée lorsque l’auteur a commis en connaissance de
cause des faits constituant le délit et notamment qu’il a connu la minorité de
la victime ou son état d’incapacité.
En général, l’auteur de
cette infraction encourt une peine
d’emprisonnement de six mois à trois ans
et d’une amende de 120 à 2 000 dirhams. Toutefois, la peine
d’emprisonnement est d’un à 5 ans et l’amende de 250 à 3 000 dirhams si la
victime a été placée sous la garde, la surveillance ou l’autorité du coupable.
Cette aggravation de la
peine à l’encontre de l’auteur de l’infraction s’explique par le fait que cette
situation peut être la plus susceptible d’être exploitée en raison des liens
étroits et constants entre celui-ci et la victime.
Au sens de l’article
555 du code pénal, les coupables de ces infractions peuvent être frappés pour 5
ans au moins et 10 ans au plus de l’interdiction d’exercice de l’un ou de
plusieurs des droits civiques, civils ou de famille ou de l’interdiction de
séjour.
Section
III : L’abus de blanc-seing : infraction de l’article 553 du code
pénal
L’article 553
dispose : « Quiconque,
abusant d’un blanc-seing qui lui a été confié, a frauduleusement écrit
au-dessus une obligation ou décharge, ou tout autre acte pouvant compromettre
la personne ou le patrimoine du signataire, est puni de l’emprisonnement d’un à
cinq ans et d’une amende de 120 à 5 000 dirhams ».
Cette infraction
nécessite la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément
moral.
L’élément
matériel est constitué, d’abord, par l’existence
d’un blanc-seing. Celui-ci n’est pas seulement une signature apposée au bas
d’un document blanc sur lequel un écrit doit être ultérieurement dressé, c’est
aussi la signature placée au bas d’un acte où des blancs ont été
intentionnellement laissés pour être remplis plus tard. Toutefois, le
blanc-seing n’existe pas lorsque l’acte est complet c'est-à-dire ne contient
aucune lacune. Toute addition sur cet acte complet constituerait un faux.
L’élément matériel est
constitué, ensuite, par la remise volontaire du blanc-seing. Elle prouve
que le signataire a été imprudent en livrant avec trop de légèreté sa signature
en blanc.
L’élément matériel est
constitué, enfin, par l’abus de blanc-seing de nature à compromettre la
personne ou la fortune du signataire. Il faut que l’écrit placé au-dessus
de la signature soit une obligation ou une décharge ou tout autre acte pouvant
compromettre la personne ou la fortune du signataire. Ainsi, l’écrit ajouté
doit être susceptible de causer au signataire un préjudice matériel ou moral.
L’élément
moral, pour sa part, est constitué par l’intention
coupable. L’intention est juridiquement réalisée lorsque celui qui a dressé
l’écrit au-dessus de la signature a su que cet écrit ne correspondait pas à la
volonté du signataire. Le délit est d’ailleurs consommé à ce moment, même si
l’auteur ne fait pas usage du blanc-seing.
En général, l’auteur de
cette infraction encourt une peine
d’emprisonnement d’un à cinq ans et
d’une amende de 120 à 5 000 dirhams.
En outre, les coupables
de ces infractions peuvent, en vertu de l’article 555, être frappés pour 5 ans
au moins et 10 ans au plus de l’interdiction d’exercice de l’un ou de plusieurs
des droits civiques, civils ou de famille et de l’interdiction de séjour. (La tentative n’est pas punissable)
Section
IV : Le détournement ou la soustraction des documents dans une
procédure : infraction de l’article 554 du code pénal
L’article 554 du code
pénal prévoit que « quiconque après avoir produit dans une
contestation administrative ou judiciaire, quelque pièce, titre ou mémoire, le
soustrait ou détourne, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une
amende de 120 à 500 dirhams ».
Ce texte est destiné à
maintenir la bonne foi dans les procès. En effet, lorsqu’une partie a produit,
une pièce en justice, ce document soumis à la libre discussion appartient aussi
à l’adversaire.
Cette infraction
nécessite deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
L’élément
matériel est constitué, d’une part, par la
production en justice, au cours d’une contestation administrative ou
judiciaire, d’une pièce, d’un mémoire ou tous les documents versés dans une
procédure et, d’autre part, par le détournement ou la soustraction du
document.
L’élément
moral est constitué par l’intention délictuelle.
Elle découle des actes de détournement ou de soustraction des documents. Elle
consiste dans la volonté de soustraire les pièces à la libre discussion.
En général, l’auteur de
cette infraction encourt une peine d’emprisonnement d’un à 6 mois et d’une
amende de 120 à 500 dirhams. Toutefois, aucune peine complémentaire n’est
prévue à l’encontre du prévenu. (La
tentative n’est pas punissable) //
TITRE II : LE
RECEL : INFRACTION DE CONSEQUENCE
Les infractions contre
les biens peuvent avoir des conséquences qui méritent elles aussi des sanctions
pénales. Ainsi, en est-il de l’hypothèse d’une personne qui sans intervenir
dans le stade exécutoire ou préparatoire de l’infraction, va tirer profit de
l’infraction commise par une autre personne et profiter de son produit et ce en
connaissance de cause
Pour mieux cerner le
dispositif juridique de l’infraction de recel, il faut distinguer ses éléments
constitutifs (Chapitre I) de sa répression (Chapitre II).
CHAPITRE I : LES
ELEMENTS CONSTITUTIFS DU RECEL
L’article 571 du code
pénal dispose que « Quiconque,
sciemment, recèle en tout ou en partie des choses soustraites, détournées ou
obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit, est puni de l’emprisonnement d’un à
cinq ans et d’une amende de 120 à 2000 dirhams (….) ».
Le texte donne donc des
précisions à la fois sur l’élément matériel du délit (section 1) et sur
l’élément moral (section 2).
Section I :
L’élément matériel du recel
Le recel est un acte ou
un agissement d’une certaine nature (§2)
accompli sur une chose provenant d’un crime ou d’un délit (§1).
§1.La
chose recelée doit être entachée d’un délit ou d’un crime
Les tribunaux ont une
appréciation très large de ce qui est une chose en matière de recel. Ainsi,
toute chose peut faire l’objet d’un recel.
La chose doit, ensuite
provenir d’un crime ou d’un délit. Il faut noter que les contraventions ne sont
pas visées par le texte.
Pour remplir cette
condition, il faut que le crime ou délit aient été effectivement ou réellement
commis. La commission de ce crime ou délit doit être antérieure au fait de
recel et doit être le fait d’une autre personne. Il n’est ainsi pas possible de
cumuler, sur un même bien, les qualités d’auteur de l’infraction d’origine et
de receleur.
Il est, en revanche,
indifférent que l’on connaisse l’auteur de l’infraction antérieure : il suffit
d’être certain que la chose n’a pu être obtenue que par une infraction qui peut
revêtir une qualification délictuelle ou criminelle.
De même, il n’est pas
nécessaire que l’auteur de l’infraction d’origine ait été effectivement
sanctionnée ou poursuivie ni que l’auteur en soit punissable.
§2. L’acte de recel
L’article 571 du code
pénal parle de recel de choses obtenues par une infraction délictuelle ou
criminelle, mais sans définir le recel. Dès lors, il est revenu à la doctrine
et à la jurisprudence de définir cette notion.
Ainsi, il a été décidé
que l’acte de recel peut être réalisé de différentes façons comme le fait de
dissimuler, détenir, transmettre, faire office d’intermédiaire ou profiter par
tout moyen.
Section II :
L’élément moral du recel
Le recel est une
infraction intentionnelle. Celle-ci consiste en la double connaissance :
*de l’acte matériel de
recel car il n’y a pas de recel si l’on détient quelque chose sans le savoir
comme par exemple un objet placé dans la voiture du prévenu à son insu ;
*de la provenance
criminelle ou délictuelle de l’objet. Il faut donc que l’auteur n’ait eu aucun
doute sur l’origine frauduleuse des choses qui lui étaient proposées ou qu’il
utilisait.
Aussi, il n’est pas
nécessaire que la personne ait tiré un profit personnel du recel.
Mais, le problème s’est
posé de savoir si l’infraction était réalisée lorsque les objets ont été reçus
dans l’ignorance totale de leur origine illégale. Mais, par la suite, le
détenteur de ces objets a appris cette origine. La jurisprudence estime que la
MF survenue va rendre le détenteur ou acheteur coupable de recel s’il ne se
débarrasse pas des objets et en informe les autorités.
Chapitre II : La
répression du recel
Les sanctions prévues
pour le recel (Section 1) ne pourront pas être prononcées si certaines
circonstances peuvent être invoquées (Section 2).
Section I : Les
obstacles à la répression (renvoi au paragraphe 1 de la section II du délit de
vol)
Section II : Les
sanctions du recel
La tentative de recel
n’est pas réprimée par le législateur. Ainsi, l’infraction de recel doit être
consommée pour être sanctionnée. A ce titre, les personnes qui se sont rendues
coupables de recel encourent aussi bien des peines principales (§1) que
complémentaires (§2).
§1. Les peines
principales
L’alinéa 1 de l’article
571 du code pénal punit, en général, le receleur d’une chose obtenue à l’aide
d’un crime ou d’un délit d’une peine « d’emprisonnement d’un à cinq ans et
d’une amende de 120 à 2000 dirhams à moins que le fait ne soit punissable d’une
peine criminelle comme constituant un acte de complicité de crime ».
Pour sa part, l’alinéa
2 du même article permet au receleur de bénéficier de la peine prescrite pour
l’infraction d’origine lorsque celle-ci est inférieure à la peine prévue à
l’alinéa précédent.
Par ailleurs, lorsque
l’infraction d’origine est un crime par elle-même ou le devient en raison de
circonstances aggravantes qui l’entourent, le receleur encourt les mêmes peines
criminelles que l’auteur de l’infraction d’origine. Toutefois, dans cette
dernière hypothèse, le receleur n’encourt les mêmes peines criminelles que
l’auteur de l’infraction d’origine que s’il ait eu connaissance des
circonstances auxquelles la loi attache cette peine criminelle.
En toute hypothèse, la
peine de mort est remplacée à l’égard du receleur par celle de la réclusion
perpétuelle.
§2. Les peines complémentaires
Au sens de l’article
573 du code pénal, les coupables de recel ayant été condamnés à une peine
délictuelle peuvent être frappés pour 5 ans au moins et 10 ans au plus de
l’interdiction d’exercice de l’un ou de plusieurs des droits civiques, civils
ou de famille. (Pas d’interdiction de séjour). //
SECONDE
PARTIE : LES INFRACTIONS CONTRE LES PERSONNES PHYSIQUES
Le code pénal manifeste
une protection renforcée de la personne humaine et plus spécialement du corps
humain. En effet, il réprime aussi bien les atteintes réelles (Titre I) que
celles éventuelles seulement portées aux personnes (Titre II).
TITRE
I : LES ATTEINTES REELLES AUX PERSONNES
Il convient
d’appréhender successivement les atteintes volontaires aux personnes et celles
qui ne sont qu’involontaires.
CHAPITRE I : LES ATTEINTES
VOLONTAIRES REELLES AUX PERSONNES
Le législateur
distingue les infractions volontaires contre la vie des personnes de celles
qui portent atteinte à l’intégrité
physique de la personne.
Section I : Les
atteintes volontaires à la vie des personnes
§1.
L’infraction de meurtre
A- Les
éléments constitutifs de l’infraction
L’article 392 du code pénal dispose « Quiconque donne intentionnellement la mort à autrui est coupable de
meurtre et puni de la
réclusion perpétuelle ».
De la lecture de ce texte, il ressort
que l’incrimination de l’infraction nécessite l’existence tant d’un élément
matériel que d’un élément moral.
1) L’élément
matériel
En vertu de l’article 392, l’infraction
de meurtre consiste dans la suppression de la vie d’une personne. Elle implique
une victime et un acte d’homicide.
*La victime
La notion de victime
est entendue largement. Il s’agit de tout être humain, sans distinction d’aucune race, sexe, âge ou état de santé. Le
code pénal donne une indication sur la victime qui doit être une personne
différente de l’auteur cad « autrui ».
Il importe peu que son
identité soit connue et qu’elle n’ait pas été retrouvée.
Il faut seulement
prouver que la personne ait été vivante au moment où le geste homicide a été
fait.
Le problème s’est posé
concernant un acte d’homicide réalisé sur une personne déjà décédée que
l’auteur croit encore vivante. A priori, le meurtre d’un cadavre est
inconcevable car l’auteur ne peut pas obtenir le résultat escompté et prévu par
le texte d’incrimination. Toutefois, la jurisprudence française refuse de
laisser un tel acte impuni. Ainsi, des poursuites ont été engagées sur la base
de « tentative de meurtre » (Arrêt Perdereau, crim, 16 janv. 1986,
pourvoi n°85-95.461, Bull. n°25).
*L’acte
d’homicide
L’acte d’homicide est
une composante essentielle de l’élément matériel. Il consiste en tout acte
positif donnant la mort à la victime.
Peu importe le moyen
utilisé pour donner la mort comme donner un ou plusieurs coups, à main nue ou à
l’aide d’un objet quelconque. Peu
importe en effet, le nombre, la nature ou l’instrument du geste. Seul
l’empoisonnement, qui constitue un crime spécial, est exclu.
Par ailleurs, l’acte
d’homicide peut être unique comme il peut résulter de plusieurs actes
successifs échelonnés dans le temps.
2)
L’élément moral
L’élément moral du
meurtre consiste dans la volonté et l’intention de causer la mort. Cet élément
est fondamental car lui seul permet de distinguer le meurtre des coups mortels
où l’agent en voulant les coups n’a pas voulu la mort et de l’homicide
involontaire où l’agent n’a même pas voulu les coups.
Dans la tentative de
meurtre, elle consiste à agir croyant donner la mort.
Cette intention ne doit
pas être confondue avec le mobile de l’auteur. Le mobile est indifférent car il
importe peu que l’auteur ait agi par intérêt financier, par vengeance ou par
mobile politique. De même, l’intention existe même si l’auteur avait eu affaire
à une victime consentante et même avoir agi sur l’ordre de celle-ci.
Par ailleurs, l’intention
est constituée même si l’auteur a commis une erreur sur la personne de la
victime suite à une maladresse cad il tue une personne différente de celle
visée.
B)
La répression de l’infraction de meurtre
En vertu de l’article
392 du code pénal, l’auteur d’un meurtre encourt la réclusion perpétuelle.
Toutefois, le législateur a prévu des circonstances aggravantes où l’auteur
encourt la peine de mort :
En premier lieu, il
s’agit des circonstances prévues dans
l’alinéa 2 de l’article 392 et qui sont :
*le meurtre ayant
précédé, accompagné ou suivi un autre crime. Le meurtre, dans cette
hypothèse, doit avoir des liens de connexité avec une autre infraction qui ne
peut être qu’un crime ou un vol qualifié par exemple ;
*le
meurtre ayant pour objet soit de préparer, faciliter ou exécuter un autre crime
ou un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité des auteurs ou
complices de ce crime ou de ce délit ;
En deuxième lieu, il
s’agit du meurtre commis avec
préméditation. Celle-ci fait du meurtre un assassinat. Elle est définit
dans l’article 394 « la préméditation consiste dans le dessein (projet), formé avant l’action, d’attenter à la personne d’un individu déterminé, ou même de celui qui sera trouvé ou rencontré,
quand même ce dessein dépendrait de quelque circonstance ou de quelque
condition ». Il faut donc que l’auteur ait conçu à l’avance son
projet d’homicide et ait réfléchi au moyen de le réaliser ;
En troisième lieu, il
s’agit du meurtre commis avec
guet-apens. Celui-ci fait du meurtre un assassinat. Il est défini dans
l’article 395 « le guet-apens
consiste à attendre plus ou moins de
temps dans un univers ou divers lieux un individu, soit pour lui donner la mort, soit pour exercer sur lui des actes de
violences ».
En quatrième lieu, il s’agit du parricide. Il est
définit dans l’article 396 « quiconque
donne intentionnellement la mort à
son père, à sa mère, ou tout autre ascendant est coupable de parricide
et puni de la peine de mort ».L’énumération du texte est limitative ;
ainsi ne constitue pas un parricide le meurtre de son beau-père ou de sa
belle-mère par le gendre (l’époux de la fille) ou la bru (l’épouse du fils).
Par ailleurs, le
législateur a appréhendé l’infraction
d’infanticide c'est-à-dire le meurtre d’un nouveau-né. Cette infraction
est punie de la réclusion perpétuelle, et en cas de préméditation ou guet-apens
de la peine de mort.
Toutefois, si la mère
est auteur principal ou complice du meurtre ou de l’assassinat de son enfant
nouveau-né, elle encourt seulement une peine de réclusion de 5 à 10 ans. Les
motifs de cette relative indulgence tiennent à un élément moral. En effet, le
crime d’infanticide lorsqu’il est commis par la mère l’est souvent sous
l’empire de l’affolement comme est le cas d’une mère célibataire.
Cette atténuation de la
peine est réservée uniquement à la mère quel que soit son rôle dans l’homicide.
Les co-auteurs et complices (amants, parents de la fille), ne bénéficient pas
de cette faveur légale.
§2
L’infraction d’empoisonnement
L’empoisonnement est un
homicide volontaire qui se distingue du meurtre par le moyen employé afin de
commettre l’infraction. La circonstance de préméditation étant évidemment
inhérente à ce crime.
Pour bien cerner
l’infraction d’empoisonnement, il convient d’analyser ses éléments constitutifs
avant de voir sa répression.
A-
Les éléments constitutifs de l’infraction
Selon l’article 398 du
code pénal, l’infraction d’empoisonnement ne peut être constituée que si
deux éléments sont réunis : un élément matériel et un élément moral.
1)
L’élément matériel
Au sens de la loi,
l’acte d’empoisonnement nécessite l’existence de deux conditions :
*une substance pouvant donner la mort : La substance
doit avoir en elle-même un caractère mortifère. Elle peut être animale comme le
venin, végétale comme la ciguë ou minérale comme l’arsenic.
Toutefois, le problème
s’est posé concernant le caractère mortifère du virus du sida. A ce titre, la
cour de cassation française refuse de sanctionner la transmission sexuelle
volontaire du virus VIH sur la base de l’empoisonnement. Elle considère que le
virus n’est pas une substance mortifère compte tenu de l’évolution de la
science et de la recherche. Elle considère que le virus n’entraîne pas le décès
mais seulement une infirmité permanente et condamne sur la base de
l’administration de substances nuisibles (Cass. Crim. 2 juill.1998/98.80529 et
Cass. Crim.10 janv.2006, n°056-80.787/09-86.209).
*un
emploi ou une administration : l’administration est nécessaire.
Sans administration, point d’empoisonnement. Cela dit, elle est entendue
largement puisque l’agent peut utiliser des moyens assez variés que le fait de
donner la substance dans la nourriture ou dans une boisson, par piqûre, par
frottement ou par inhalation, voire sous la forme d’un médicament.
La substance peut être
administrée à plusieurs reprises et même pendant une période assez longue. Il y
a crime d’empoisonnement même si chaque dose prise isolément ne peut provoquer
la mort.
2)
L’élément moral
L’empoisonnement étant
un crime, son élément moral est assurément une intention. Cette intention
implique que l’auteur ait voulu le résultat de l’infraction, à savoir que la
victime absorbe une substance qu’il savait de plus mortifère.
Il est évident qu’il
n’y a pas intention d’empoisonner si l’auteur ignorait le caractère mortifère
des substances qu’il administrait volontairement. Il y a tout ou plus homicide
involontaire.
B- La
répression de l’empoisonnement
L’article 398 du code
pénal réprime le crime d’empoisonnement de
la peine de mort.
Majeure le premier élément du sujet tous les éléments
constitutifs +la répression Mineure
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